25
Juil

Les progrès en élevage, nous n’en sommes qu’au début

écrit par GDS
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Bernard Chevassus-au-Louis. Directeur de recherche à l’INRA (département d’hydrobiologie et faune sauvage), puis DG de l’INRA. Président du CNEVA, puis de l’AFSSA (ANSES), du Muséum d’Histoire Naturelle… Rapporteur de nombreuses missions sur la biodiversité, les algues vertes, les OGM…

Quels sont les grands défis de l’élevage moderne ?

L’un des grands problèmes posés se résume dans la perte d’ancrage au territoire, à la fois au niveau agronomique par l’importation d’intrants, mais aussi au niveau écologique par la faible prise en compte des ressources naturelles. En outre, les produits issus de l’agriculture contribuent moins à l’image du territoire. L’autre problème vient du fait que les populations alimentées sont éloignées de celles des zones de production.
La vulnérabilité de ces systèmes déconnectés du territoire est encore plus vraie dans une région d’élevage intensif comme la Bretagne.

Y a-t-il une limite à l’intensification ?

Dans les années 50, personne n’avait imaginé la rapidité du processus d’intensification. On s’était habitué à des progrès plus lents, à « l’inertie des campagnes ». Mais la progression parallèle entre performance technique et performance économique a trouvé ses limites pour des raisons d’optimum économique, mais aussi par la prise en compte de l’environnement. L’impact environnemental a très longtemps été masqué par les pollutions urbaines et industrielles, avant que l’on se rende compte des pollutions diffuses de l’agriculture, comme dans le cas des algues vertes.

Comment voyez-vous l’intensification écologique ?

L’exigence d’une meilleure productivité du travail est tout à fait légitime. Il ne faut pas opposer intensification écologique et le recours intensif à la technologie. Nous aurons à la fois à prendre en compte la physiologie des animaux, le fonctionnement des écosystèmes… et à mettre en œuvre tous les outils technologiques disponibles (capteurs sur animaux, robotique,…) pour perfectionner nos connaissances. La réalisation de la double performance -économique et écologique- supposera sans doute une certaine rémunération des services rendus par les écosystèmes.

Face aux crises sanitaires, comment redonner confiance aux consommateurs et aux éleveurs ?

« Une question bien posée
est déjà à moitié résolue »

Les consommateurs posent des questions : mais nous ne devons pas les prendre en l’état mais redéfinir (ou co-construire) avec eux le problème. Il faut donc associer les gens dans l’analyse du problème avant de passer aux solutions en se donnant des marges de progrès et des jalons pour prendre en compte les contraintes. Au lieu de normes imposées de l’extérieur, comme la teneur en nitrates des eaux, il s’agit d’aller vers une construction commune du problème comme des solutions. Il faudrait passer du « risque zéro » au
« mépris zéro », prenant en compte les avis des uns et des autres.

Faut-il voir dans la nature une menace ou une alliée par les services rendus ?

L’idée d’une nature mythique est très présente dans la tête des consommateurs. Mais la nature ne pense pas, elle se débrouille sans nous.
La nature est ambivalente ; elle n’est ni bienveillante, ni une menace. Ainsi, la bactérie
E.coli, présente dans le tube digestif et dans la flore intestinale, peut en fonction des conditions du milieu et avec un gène en plus, devenir pathogène. Nous n’en sommes qu’au tout début du décryptage du fonctionnement des écosystèmes, des plantes comme des animaux (ex : interaction gènes-milieux), qui s’appuiera sur l’analyse des flux d’information à l’intérieur même des écosystèmes.

Interview réalisée par Rémi Mer

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